dimanche 6 juin 2010

Les bleus...

Pendant les trente premières années de ma vie, j'ai suivi les conseils de ce cher Albert : « La vie c'est comme la bicyclette il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre.» J'ai donc pédalé; je peinais un peu dans les côtes et me la coulais douce dans les descentes, d'abord en groupe puis un peu seule et enfin à deux. J'aimais tellement ce voyage là : les paysages étaient magnifiques, l'air était agréablement frais et parfumé, un beau poupon roux nous avait rejoint au détour d'un virage, les routes à venir étaient prometteuses...

Avons-nous été grisés par la vitesse, aveuglés par la beauté des paysages ou encore trop pressés de découvrir les chemins qui se présentaient à nous? Toujours est-il qu'à un carrefour nous nous sommes oubliés et il a pris la route de gauche, nous laissant emprunter, le poupon et moi, celle de droite. J'ai mis pied à terre pour attendre mon compagnon de voyage; mais sa route lui plaisait, il l'a suivie avidement et je suis restée sur le bas côté. Alors il m'a fallu poser le vélo le temps de reprendre des forces et de trouver le courage d'affronter cette nouvelle voie en tête à tête avec notre poupon. Les premiers coups de pédales ont été balbutiants et laborieux, mais peu à peu j'ai trouvé mon tempo, mon équilibre...

Un beau jour, un cycliste a croisé ma route et nous avons décidé de faire ce qu'il restait de chemin ensemble. Mais il s'arrêtait souvent espérant voir son ancienne compagne de voyage le rattraper; il faisait demi-tour, ne trouvait pas son bonheur, revenait dans ma direction. Je mettais pied à terre pour qu'il fasse ce chemin à son rythme. Mais il allait chaque fois un peu plus loin en arrière et mettait de plus en plus de temps à me rattraper. Chaque nouvelle attente était plus longue que la précédente et battue par une pluie de plus en plus ardente. A chaque fois je tombais et me retrouvais avec des bleus sur le cœur. Quelques larmes décoloraient les bleus et je repartais pour soutenir mon compagnon, l'aider à avancer.

Puis il y a la chute de trop, celle dont on ne pense pas pouvoir se remettre; celle qui laisse des bleus, que même les larmes ne peuvent plus adoucir. Mais il y a le poupon, alors je suis remontée sur la bicyclette et je me suis mise à pédaler, avec tous mes bleus qui font encore mal, mais surtout la ferme intention de ne plus jamais perdre mon équilibre...

Je me suis tue - Mathieu Menegaux

Poignant et bouleversant! J'ai du mal à trouver les mots mais je sais que les émotions, les questionnements soulevés par ce roman vont m...